PERSONNAGES


1752 - †1835

JPEG - 414.1 ko

Image 1 : La Marquise


Élisabeth-Olympe-Louise-Armande-Félicité du Vigier. fille de Pierre-Armand-Claude du Vigier (1714† 1763), chevalier, baron de St Martin, seigneur de Fontenailles et de Bacalan, propriétaire du château de Saint-Martin à Lamonzie-Saint-Martin, procureur-général du parlement de Bordeaux, et de Hiéronyme-Rosalie-Félicité-Phélypeaux d’Herbault (1733†1753), est née à Bordeaux et baptisée le 14 novembre 1752 en l’église métropolitaine et primatiale Saint-André.

Lorsqu’en 1762, à dix ans, Elisabeth-Félicité devient orpheline de son père après avoir perdu sa mère à un an, son oncle maternel, Monseigneur Georges-Louis Phélypeaux d’Herbault, (1729-1787) archevêque de Bourges, chancelier, garde des sceaux, commandeur et surintendant des finances de l’ordre du Saint-Esprit, se chargea de son éducation ; il la fit entrer au couvent des Filles de la Visitation de Sainte-Marie, de l’Ordre des Visitandines, situé rue du Bac et donnant rue de Grenelle, en face de l’hôtel de Maurepas où les cousins de l’archevêque, le comte et la comtesse de Maurepas, permettaient au prélat de résider fréquemment compte tenu de sa charge.

Âgée de 14 ans et demi, Élisabeth-Olympe-Louise-Armande-Félicité du Vigier épouse en 1767 le frère jumeau du vicaire général de Monseigneur Phélypeaux d’Herbault, Agésilas-Joseph de Grossolles (1732†1818) marquis de Flamarens. Le contrat de mariage est signé le 24 mai 1767 par « Leurs Majestés et la famille Royale » au château de Marly ; la cérémonie religieuse n’aura lieu que le 1er décembre 1767, en la chapelle de l’hôtel du duc de Nivernais. La marquise de Flamarens est présentée au Roi, officiellement, le jour même de son mariage, par la comtesse de Narbonne, alors dame d’atours de Madame Adélaïde et cousine des Grossolles.

Le 19 mai 1770, lors des festivités poursuivant le mariage du 16 mai du Dauphin et de Marie-Antoinette, la marquise de Flamarens est retenue pour participer au menuet devant toute la cour, à l’opéra de Versailles, avec Charles-Philippe, comte d’Artois, frère du roi et futur Charles X. La marquise avait à peine dix-huit ans et Charles-Philippe n’avait pas encore quatorze ans ; ils dansèrent devant le Roi, puis ils se retrouvèrent souvent. Cette danse fut remarquée puisque les historiens la notèrent et notamment le duc de Croÿ, témoin oculaire.

Le 23 mai 1771, la marquise de Flamarens est admise à faire « Les Honneurs de la Cour » puis devient « Dame pour accompagner » Madame Adélaïde, quatrième fille de Louis XV. Quelques années plus tard, elle aura la protection inespérée de son cousin, Jean-Frédéric Phélypeaux de Pontchartrain, comte de Maurepas qui deviendra le « mentor » et principal conseiller de Louis XVI.

Elle fera les honneurs du salon du comte et de la comtesse de Maurepas en leur hôtel de Fürstenberg du 75 rue de Grenelle et passera de longs moments, en leur compagnie, au château de Pontchartrain ; à Versailles, la marquise rejoindra souvent le comte et la comtesse dans leur appartement situé au-dessus de celui du Roi donnant sur la cour de marbre ainsi qu’à l’Ermitage mis à la disposition du comte de Maurepas où elle aimait s’y rendre fréquemment
Le mardi 26 avril 1774, la marquise de Flamarens accompagne la comtesse du Barry qui a organisé une sortie pour le Roi à Trianon. Ce fut le dernier épisode de ces joyeuses sorties ; soupant à Trianon, le Roi ne put rien avaler. Dès le lendemain soir, la Cour apprit la vérité : Louis XV avait la petite vérole ; il souffrira atrocement et décèdera le 10 mai.

En 1776, le marquis et la marquise de Flamarens habitent 52 rue des Saints-Pères, l’hôtel de Cavoye, hôtel qui fut remarqué récemment par son célèbre propriétaire Bernard Tapie ; c’est à cette époque que le marquis et la marquise de Flamarens se séparèrent « de biens ».

Le 21 novembre 1781 le compte de Maurepas qui servait de protecteur de la marquise à Versailles décède au château et est transporté aussitôt à l’Ermitage ; la marquise restera encore une année à la Cour puis décidera de quitter Madame Adélaïde à la mi-mars 1783.
La célébrité la plus en vue du moment est sans conteste le comte de Cagliostro dont la renommée ne cesse de croître chaque jour à Paris ; la fougue qu’il entraîne est immense ; il est même protégé par le ministre des Affaires étrangères, Vergennes, par le Garde des sceaux, le marquis de Miromesnil et le ministre de la Guerre, le marquis de Ségur. Le 7 août 1785, la loge féminine égyptienne est inaugurée sous l’invocation d’Isis, en présence de Séraphina, l’épouse de Cagliostro, grande maîtresse et de la marquise de Flamarens, alors désignée grande maîtresse suppléante.
Le 23 septembre 1787, son oncle Monseigneur Georges-Louis Phélypeaux d’Herbault décède en son hôtel d’Orrouer, au numéro ancien 372 rue de Grenelle, actuel 87 rue de Grenelle ; deux ans auparavant, il avait légué cet hôtel de 1400 mètres carrés habitables à sa nièce.

Arrive la Révolution, la période la plus dramatique de la marquise de Flamarens ; en 1793, le marquis et la marquise sont inscrits sur « la liste générale des émigrés de toute la République », dressée en exécution de la loi du 28 mars et du 25 juillet 1793.

A la suite du décès de la comtesse de Maurepas en décembre 1793, la marquise se retrouve totalement seule ; elle a compris qu’il faut quitter Paris, effrayée par toutes les exactions des révolutionnaires : le Roi a été exécuté le 21 janvier ; sa sœur Elisabeth a subi le même sort le 10 mai ; l’abbé Fauchet, ancien vicaire de Monseigneur Phélypeaux d’Herbault qui était l’une de ses relations pouvant la protéger des révolutionnaires puisque faisant partie des « héros de la Bastille », vient d’être exécuté ; plus aucun espoir n’est permis, la vie de tout citoyen étant chaque jour menacée ; aussi, elle prépare son départ mais ne veut pas retourner à Saint-Martin, trop éloigné de Paris.

La marquise de Flamarens songe à se réfugier au château d’Herbault, à proximité de Blois, demeure familiale de sa mère dont elle avait hérité les droits ainsi que ceux de son oncle Monseigneur Phélypeaux ; elle. fuit alors Paris et se rend provisoirement à Blois, près de son château maternel en attendant de s’y installer après avoir acquis la dernière part que détient sa cousine, la fille de Jean-Frédéric Phélypeaux. Le château voisin est celui de Cheverny que possèdera Jean-Nicolas, comte de Dufort de Cheverny, ami d’enfance de Monseigneur Phélypeaux d’Herbault, du marquis de Flamarens et des ses frères, ayant tous fréquenté le collège d’Harcourt ; il relatera dans ses Mémoires ces évènements émouvants :

« Voilà madame la marquise de Flamarens et sa nièce isolées, ayant des terres et des biens immenses, mais pas une habitable. L’effroi se met dans Paris…madame de Flamarens et sa nièce se déguisent, prennent un fiacre et arrivent ainsi à Blois »

« Madame de Flamarens, assez riche pour acheter Herbault, fit venir presque tout son mobilier qui était immense ; il fut déposé chez M. de Gauvilliers (directeur des domaines). »

Ensuite « elle loue une petite maison dans la rue des Carmélites et tâche de se faire oublier. Puis, elle se détermine à louer une maison assez belle où logeait le gueux d’Arnaud, le maître de pension ; elle espère s’en faire un bouclier ; ce n’était qu’un traître. Dénoncée par ce sinistre personnage, les révolutionnaires vinrent de Paris en février 1794 chercher la marquise de Flamarens qui se trouvait à Blois pour la ramener à Paris afin de l’emprisonner ; elle est écrouée aussitôt « dans la maison de détention de la Caserne, rue de Sèvres ».appelée également « La maison des Oiseaux ».

Après huit mois de détention, la marquise comme toutes les prisonnières des « Oiseaux » est libérée « au soir du 4 octobre 1794 » ; la vie doit reprendre et la marquise doit faire face, seule, aux difficultés qui lui semblent insurmontables, à commencer par la levée des séquestres afin de pouvoir réaliser ses biens pour survivre.

Le 17 novembre 1798 la marquise vend l’hôtel rue de Grenelle aux époux Lanchère.

En 1799 la propriété « Madrid-Maurepas » située dans le bois de Boulogne, dos à dos avec le château de Bagatelle du comte d’Artois et jouxtant le château de Madrid que la comtesse de Maurepas avait légué à la marquise de Flamarens, est également vendue.

Enfin, la marquise se sépare de son château familial de Saint-Martin-Lamonzie qu’elle vend le 12 octobre 1803 au général-comte Jean Boudet (1769-1809), héros des batailles de Marengo, d’Essling, et qui contribua activement à la victoire de Wagram ; avec le fruit de la vente de Saint-Martin, ne voulant pas s’éloigner de Paris où ses attaches familiales sont profondes elle décide d’acheter un autre château, proche de Paris et pouvant s’y rendre dans la journée.

Le château de Villiers-les-Maillets est justement, à vendre par adjudication ; il comprend quatre fermes qui pourront lui procurer des revenus aisés et la mettre ainsi à l’abri des soucis pécuniaires jusqu’à la fin de sa vie. La vente est conclue le 22 mars 1804 et la marquise de Flamarens y passera, avec bonheur, les trente dernières années de sa vie grâce à sa petite-fille Elisabeth-Caroline.

Lorsqu’elle achète le château de Villiers-les-Maillets, Elisabeth-Caroline n’a que trois ans ; ses parents, Isaac Cox Barnet (1773†1833), Consul des Etats-Unis à Paris et Charlotte, appelée Genêt-Saunier ( ? †1843) la confieront bientôt à la marquise qui la gardera à ses côtés, à Villiers-les-Maillets, jusqu’à ses derniers jours ; Elisabeth-Caroline y passera elle-même tout le reste de sa vie ; elle sera dite la petite fille « adoptive » de la marquise de Flamarens.

Élisabeth-Caroline Barnet fait connaissance du neveu des propriétaires du château voisin de Launoy-Renault, Philippe-Auguste-Armand-Maurice comte de Mastin (1780†1868) ; la sœur du châtelain Daniel-Marc-Antoine-Frédéric Chardon (†1830), Marie-Adélaïde Chardon, épousa Germain-Gaston-Maurice Le Mastin le 18 janvier 1785 ; leur fils Philippe-Auguste-Armand-Maurice séduit Élisabeth-Caroline Barnet dont elle s’éprend à l’âge de 17 ans.

Le 3 août 1819, la marquise de Flamarens donne son accord pour le mariage de sa petite-fille Elisabeth-Caroline. Le contrat de mariage est passé le 30 décembre 1819. Il est signé au château de Launoy-Renault, chez l’oncle et la tante du futur marié. La marquise de Flamarens donne le château de Villiers-les-Maillets à sa petite-fille.

Le 5 avril 1825, naît l’arrière-petite-fille de la marquise de Flamarens, Alix de Mastin qui conservera le château de Villiers-les-Maillets et le léguera à son décès, en 1891, à son cousin Étienne Bessot, comte de Lamothe (1845†1939).

Le 26 janvier 1826, le comte de Mastin devient maire de Saint-Barthélemy et prend possession de la mairie, construite grâce “aux libéralités de la châtelaine, madame de Flamarens”.

Le 16 septembre 1835, la marquise confia sur son lit de mort, à sa petite-fille et à ses arrière-petites-filles réunies autour d’elle, le secret de la naissance princière de sa fille comme en témoigne l’écrivain et baron André de Maricourt, dans son ouvrage « Les Bourbons », lui-même cousin des Chardon, propriétaires du château de Launoy-Renault ; le prénom, Charlotte, en révèle la paternité : le prince Charles-Philippe, comte d’Artois, frère des futurs Louis XVI et Louis XVIII et lui-même futur Charles X ; l’un des fils de Charlotte portera le prénom de Charles ; celui de son aîné William sera composé avec Armand, prénom des ancêtres de la marquise qui porte elle-même ce prénom ; les prénoms à eux seuls révèlent les liens restés longtemps secrets.

A Versailles, en 1775, l’un des hommes le plus séduisant de la cour de Louis XVI, est certainement le comte d’Artois, frère du Roi et futur Charles X ; il est âgé de dix-huit ans ; son succès est grandissant, son charme séduit partout où il passe…La marquise ne peut être indifférente, elle qui l’a tenu dans ses bras à l’âge de treize ans lors des danses à l’occasion du mariage du Dauphin et qui l’a vu ainsi devenir homme. De cette inclination, naîtra en 1776, une fille, Charlotte, élevée loin de la cour par une amie de province, madame Genêt-Saunier née de La Marine, qui rejoindra plus tard la marquise de Flamarens à Villiers-les-Maillets et où elle décèdera.

André de Maricourt qui rapporte dans son ouvrage « Les Bourbons » ce secret confié par la marquise sur son lit de mort, mentionne le comte de Provence au lieu du comte d’Artois, il semble qu’une confusion se soit glissée dans le témoignage car l’impuissance reconnue de Louis XVIII ne fut jamais contestée ; par ailleurs, qu’il eut pour maîtresse la comtesse de Balbi, l’amie d’enfance de la marquise, voisine de Saint-Martin au château de La Force et compagne du couvent des Filles de la Visitation rend peu probable une telle liaison sans de retentissants échos compte tenu du caractère de la comtesse de Balbi, qui furent inexistants.

Après une existence parsemée d’évènements d’une richesse exceptionnelle s’étant déroulés sous cinq rois et un empereur, la marquise de Flamarens s’éteint en son château de Villiers-les-Maillets, le 17 novembre 1835, entourée de sa petite-fille et de ses arrière-petites-filles.

Elle repose au cimetière de Saint-Barthélemy, aux côtés de sa petite-fille, Elisabeth-Caroline, de son gendre, Armand-Maurice, de son arrière-petite-fille, Alix, et de sa chère amie Élisabeth Marguerite de La Marine, veuve Genêt Saunier (1737†1820), celle qui éleva sa fille Charlotte, alors qu’elle était à la Cour de Versailles.

PNG - 585.4 ko
Image 2 : La Tombe de la Marquise à Saint-Barthélemy

© Jacques Laurence 10 avril 2024

Inscrivez-vous

Pour recevoir la newsletter:

Merci! Vous êtes bien inscrit sur la liste.